le 30 Oct 1999 22:49:11 - Contribution au Forum sur la proposition de loi du Sénateur Pierre Laffitte.

Liberté, égalité, fraternité
ou féodalité ?

Liberté

a) Liberté de créer et d'innover. Cette liberté qui existait sur les PC, a été progressivement confisquée par Microsoft à partir de l'arrivée de Windows. Les fonctionnalités non documentées du système d'exploitation ont rendu quasi-obligatoire l'acquisition des outils de développement de Microsoft, à l'exclusion de tout autre. C'est ainsi que Borland a été éliminé. Par ailleurs, il est quasi-indispensable d'être abonné au support officiel des développeurs. Pour avoir le droit de développer un logiciel, il faut un budget de plus de 10000F par an. Ceci élimine un grand nombre de créateurs potentiels. Et quand on a investi, on répugne à renoncer à ses investissements. C'est ainsi que l'on s'acharne à agrandir son impasse. La liberté de créer dans le monde Unix n'était guère meilleure. Les fournisseurs de ces machines, sachant pertinemment que leur OS était le meilleur, ont mis la barre si haut, que les particuliers ont été tenus à l'écart. La Free Software Foundation est restée confidentielle jusqu'en 1994 pour cette raison. C'est à cette date que Linus Torvalds a publié la première version stable de Linux. Son succès repose sur trois fondements :

Ainsi Linux a rendu à tous le droit de créer et d'innover. Il a ouvert une brèche dans le monopole d'un géant dont la légitimité peut être comparée à celle du droit de cuissage ou au racket. Si la loi peut imposer une chose, c'est de bannir les outils de développement propriétaires dans l'enseignement. C'est un petit levier aux grandes conséquences.

b) Liberté de choix. L'imposition de standards propriétaires non documentés permet de "fidéliser" ses utilisateurs. les changements de version imposent aux utilisateurs des dépenses non justifiées. La loi doit interdire l'usage des documents dont la structure n'est pas totalement publique. La loi doit aussi lutter contre les "extensions propriétaires" qui visent au même but. La loi doit préconiser l'usage de normes afin de laisser le choix des outils utilisés pour la création et l'exploitation des documents. C'est aussi un gage de leur pérennité.

Egalité

L'accès aux techniques et aux ressources électroniques devrait être un droit pour tous. Cet objectif est bien entendu une utopie. Mais c'est un objectif vers lequel il faut tendre. Le respect des normes dans les échanges de données permet d'aller dans le bon sens. Par ailleurs, les logiciels libres nous donnent un grand espoir. Ce mouvement d'une ampleur mondiale est comparable à ce que fut la révolution française il y a 200 ans. Les brevets servent à légitimer la nouvelle société féodale. En effet, lorsqu'une grosse société qui a tort attaque en justice la petite société qui a raison, c'est la petite qui meurt, ruinée par les frais occasionnés, le temps perdu, ses frais d'avocats et les années de procédure. La grosse rachète les ruines, utilise le brevet à son avantage ou l'enterre à jamais. Ainsi, on est revenu à l'époque féodale où les seigneurs sont remplacés par de grosses sociétés et le clergé par d'autres gens de robe. L'informatique est une invention capitale dans l'histoire de l'humanité. Elle est aussi importante que la découverte du feu, de la roue ou l'invention de l'écriture. C'est la première fois que l'homme a inventé un outil qui n'est plus le prolongement de sa main, mais celui de son esprit. Aucun pays, aucun homme dans le monde ne peut rester à l'écart. Chacun doit avoir un libre accès à l'information et aux techniques qui lui sont associées.

Fraternité

Le don du logiciel a souvent été évoqué par Linus Torvalds. Il va à l'opposé de la notion de brevet des logiciels. En effet, ces derniers ont pour but d'imposer un monopole, d'interdire la réutilisation de travaux antérieurs. Dans le cas du logiciel libre, chacun contribue à faire progresser la communauté. Ceux qui prétendent le contraire ont des intérêts personnels à défendre, à moins qu'ils n'aient pas encore compris que le monde avait changé. Les juristes auront surement moins de travail, mais est-ce un mal ? Le lierre comme le gui n'aident pas le chêne à grandir, même si ils leur donnent une couleur verte l'hiver. Ainsi chacun a beaucoup plus à recevoir d'un système libre que d'une assistance juridique. Qu'adviendrait-il si l'on devait mettre un juriste derrière chaque informaticien ? puis deux, puis trois ... Le logiciel libre permet de remplacer la défiance par la fraternité. Est-ce que ça peut fonctionner ? Certainement ! La meilleure preuve en est de comparer la vitesse de développement des logiciels libres et celle des logiciels propriétaires. Il n'y a plus de doute.

La révolution que nous vivons est tout à la fois ultra-libérale et communiste, elle échappe à toutes les classifications politiques connues et modifie profondément le paysage informatique.
Messieurs les sénateurs, puisse votre projet de loi avoir la même importance que la nuit du 4 août, c'est à dire l'abolition des privilèges.

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